Heureux qui comme Ulysse ...

J'ai vaincu l'alcool : je le fais.

Ma première rencontre avec l'alcool fût à l'armée. Ma deuxième avec l'informatique.

Au début, je ne comprenais pas. 25 ans plus tard je comprends mieux.

La chose la plus terrible avec l'alcool c'est quand vous ne pouvez pas le contrôler. Alors, bêtement vous tentez de le contrôler, et vous êtes prêts à tout pour le virer, mais plus vous tentez de le contrôler plus ça vous rend misérable, moins vous tentez de le contrôler plus il vous rend misérable ... notamment au niveau des boyaux.

Quand j'étais jeune je faisais beaucoup de sports, et il semble que les anciens sportifs ont plus de tendance aux addictions. J'ai heureusement commencé le shit tard,  à 38 ans (et arrêté depuis que j'ai quitté le pays). J'ai jamais suivi les ordonnances des médecins pour les médocs sauf pour les antibiotiques, les vaccins et parfois les anti douleurs/inflammatoire quand j'avais trop mal.

Je préfère me rouler en boule limiter ma respiration et mes battements cardiaques et être misérable pendant une journée que prendre de la ventoline. Je suis comme ça.

L'alcool et malheureusement le tabac sont deux des drogues les plus dures que je connaisse.

Comment arrêter?

Ce qui marche pour chacun d'entre nous est LA bonne méthode. Ceci est la mienne qui ne marche qu'avec moi. Désolé pour ceux qui espèreraient que ça marche pour eux.

Disons que je ne crois en rien, ni personne, et que ça m'aide à m'utiliser comme un laboratoire.

De plus le sport pratiqué à un jeune âge aide, et si vous n'avez pas ce bagage je pense que vous pouvez abandonner de lire la suite.

Qu'est ce que le sport m'a apporté? Une seule chose: avoir confiance dans mon corps et mon esprit et parfois les laisser faire spontanément. J'ai pris des gnons, je me suis fait cassé des os, je suis tombé dans les pommes, je suis tombé dans le coma (on appelle ça un KO), j'ai poussé mon corps à ses limites au point de générer suffisamment d'endorphines pour assommer un cheval et j'ai aimé ça.

Le sport vous apprend à gérer les drogues et à ne pas craindre la perte de contrôle.  Il vous apprend aussi que la drogue vous détruit. Faire du sport abîme, et soigne. L'excès en toute chose est mauvais.

Le sport est une belle saloperie. C'est pour ça que je fais du vélo de manière non compétitive, juste pour le plaisir de rouler à 50 à l'heure en ville et dépasser les voitures et me faire arrêter par la maréchaussée qui me regarde sans mon casque de manière dubitative.

Mon premier point est : connais toi toi même. La devise d'Appolon. C'est pas mon dieu préféré, mais que voulez vous, on choisit pas toujours le dieu qui nous aide, et toute aide est bonne à prendre.

C'est comme pour la bouffe. Je ne fais aucun régime et mon poids est le même que quand j'avais 20  ans: 69kg pour 1m82. Je suis un poids mi moyen, et je peux toujours faire 150km en une journée de vélo même avec une bronchite aigüe pognée au boulot en plein été et je graille comme un animal. N'importe comment.

Ce que je vais vous raconter ce n'est pas comment j'ai consciemment décroché de l'alcool, c'est comment mon corps fait à chaque fois pour s'en débarrasser et comment "le je conscient" l'interprète.

Oui, en fait c'est pas la première fois que je décroche. Et je m'étais jamais posé la question de comment. Comment se fait ce que cela marche sans rien faire pour moi?

En fait, j'ai découvert que la vraie question était comment j'en viens à être accroc dans ma vie.

L'armée, travailler dans l'informatique, l'université en banlieue, quand j'ai été ruiné par les connasses de grosses boîtes françaises quels sont les facteurs communs?

Premièrement, des environnements malsains  où l'on vous colle beaucoup de responsabilités sur des choses où vous n'avez pas de contrôle : ça s'appelle le stress.

Ensuite, un pouvoir d'achat élevé et un entourage où tout le monde est quasiment plus alcoolique que vous.

Mes premières barrettes de teush, les premières fois où j'ai vu de la coke, du MDMA, des acides, c'était pendant des soirées avec mes collègues en informatique dans une web agency connue.

Mon secret c'est que je suis une tête de mule comme mon creusois de grand père qui a fuit le STO pendant la guerre parce que ça le faisait chier. Il a volé un vélo, dormi dans les meules de foin pour rejoindre sa famille à 200km de là, oublié la faim et l'incomfort, la loi, et il s'est fait engueulé par ma grand mère pour avoir perdu son alliance en même temps que 10 kilos. Il a pas moufté.

Mon secret, c'est que je suis allergique à être emmerdé et que la hiérarchie peut aller se faire cuire un œuf quand elle tente de me pressurer comme un citron.  C'est épidermique chez moi. Puis j'aimais mon grand père comme un modèle.

Je vois les autres. Dans des boîtes soit disant cools, grosses et petites,  pour mes anciens collègues qui n'ont "pas de problèmes d'alcool" ils ont un secret : ils comptent leurs pintes à 6% comme des verres à 3%. et ils mentent. Ils sont alcooliques.

Je constate aussi que les alcooliques dépendant aiment se mentir à eux même et pressent l'entourage pour être eux aussi alcooliques. Ca les aides à ne pas se sentir marginalisé. Mon expérience est que l'alcoolisme est grégaire. Faut dire qu'ils sont bien ostracisés. Les gens éduqués se mentent de manière éduquée. C'est pour ça que je refuse les A.A.. Je tombe en suivant la meute, je ne me soignerais pas en suivant la meute. La meute est mon ennemie.

Merci Pasteur, merci l'époque victorienne hygiéniste, les puritains américains pour largement mélanger des études aux airs scientifiques avec la morale publique. L'alcoolique est un malade qui est un danger pour l'ordre et la salubrité publique. Un individu incapable de contrôle sur lui, sans discipline qui menace l'ordre publique. L'alcoolisme rend misérable, l'alcoolique est une maladie contagieuse. Il rend l'homme animal.

Bref, l'alcoolique est un mauvais soldat. Mais un mauvais soldat est-il un mauvais humain? Les autorités ont-elles vraiment toujours raison? 

Je suis fourbe. Ca m'a beaucoup aidé. Quand a une époque je trouvais que 6 pintes tous les soirs ça faisait beaucoup trop pour moi pour suivre l'enchaînement des tournées,  je prenais les commandes, et demandait aux barmen de remplacer ma pinte par un panaché bien blanchi. Ici, je n'ai plus de panaché, j'ai les bières session. Je suis l'homme aux cent ruses. 

La tournée des grands ducs. Tradition de socialisation française consistant à faire le tour des rues de la soif, un bar après l'autre à travers la ville en prenant un godet dans chaque rad tout en râlant sur tout ce qui ne va pas.

J'ai même eu pris des godets au bar tabac de la rue des martyrs (le proprio avait changé depuis la chanson).

Alcoolique oui, Anonyme non! Râler au bar du commerce est un début de prise de conscience. J'encourage les gens à râler comme un maudit français.  Savoir qu'on est alcoolique est un bon début.

Comment arrêter l'alcool? La sagesse populaire est que ce soit en s'éloignant. J'ai fait le contraire. Je le produis. Mais je suis tellement amoureux de mon alcool que je suis incapable d'attendre sa maturation. Je suis devenu accroc à la levure.

J'ai juste évité mes anciens collègues pendant 2 mois. J'ai évité de socialiser. Je me suis mis en retraite et je me suis laissé du temps. J'ai décidé de me foutre de tout et de laisser le stress partir par la fenêtre avec le pognon que je me suis fait volé.

Mon expérience est que je suis trop sensible. Mais j'aime ça.

J'aime en avoir quelque chose à foutre des autres. Je me sens vivant. Même si je souffre pour les autres plus que de raisons.

Faire des applications de surveillance buguées utiliser pour virer des travailleurs dans des calls centers ça te fout un coup au moral surtout basé des métriques foireuses. Surtout quand tu fais ça avec des collègues portant haut l'étendard des valeurs morales de la libertés liées aux outils informatiques.

Je ne suis pas un hypocrite, je sais ce que je fais pour gagner ma croûte: j'aide à vous surveiller. J'aide à pousser des applications buguées par manque de professionnalisme dans des délais intenables sous pression des ventes qui résultent dans vos frustrations, la perte de vos mots de passe, votre surveillance, la perte de vos photos, documents, musique et accessoirement la manipulation et la censure des idées. Mais on prétend le contraire.

Je fais ça avec du logiciel libre. Du logiciel avec des morceaux de vertus magiques sensées vous protéger des méchants. Mais en fait, je suis avec tous mes anciens amis devenu le méchant. L'alcool comme toutes les autres drogues sont cools comme des béquilles. Elles m'ont permis de supporter ça. De court circuiter ma conscience. D'être le temps que je suis intoxiqué servile. Malheureusement, mon corps déteste se sentir mal. L'alcool à des effets de bords que je déteste: boyaux dérangés, essouflement lié à la prise de poids... et ça me fait chier. Mon corps d'ancien sportif râle. Il renâcle à boire... il prend sérieusement le signal de lendemain de cuite. Il est OK pour un peu d'alcool, et il l'aime comme il aime l'endorphine. Mais comme un drogué ultime, il veut pouvoir avoir sa prochaine dose. Il est le toxo ultime. Il reste tapi au fond de ma conscience refusant que je l'empêche de disparaître. L'animal tapi en moi reste là. Dans l'ombre. Féroce prêt à jaillir si la menace est trop grande et prend le contrôle. Mon coté dyonisaque, chtonien, sombre.

Ma partie non sportive et geek elle est pour l'abus d'alcool et le contrôle. J'ai besoin d'argent et la fin justifie les moyens. En tant que membre de la société bien intégré, je me déteste. Mais c'est ma partie appolonienne. 

Mais, mon acceptation consciente de mes choix inconscient par éclairs de lucidité certes me rendent malheureux (car j'ai une femme à charge).

Mais je suis un poil heureux: je ne suis pas le psychopathe qui tourne le bouton dans l'expérience de Milgram. Je ne suis pas un psychopathe. Et c'est ce qui m'empêche de sombrer dans une détestation de moi même auto-destructrice inconsciente comme mes collègues. Et mon corps déteste souffrir sans buts héroïques. J'aime souffrir pour faire des trucs qui me passionnent qui en valent la peine. Vivit que utiture disait Sénèque.

Mais, je refuse de faire de la merde. Je refuse de perdre ma fierté. Je refuse d'être un salaud. Et je paie le prix: je suis ruiné.

Je me sens comme saint Martin  (j'ai déjà précisé qu'on choisit pas les dieux qui vous aident) illuminé par la révélation que je ne suis pas un centurion romain mais un homme doué de compassion. Je suis doué de conscience, de libre arbitre. C'est une fois dénué de tous les biens matériels que l'on découvre qu'on a toujours un trésor en soi.

Et ça je le dois à faire mon alcool et à ma passion pour les sophistes. Je suis sorti de l'obéissance pour faire quelque chose d'illégal, non basé sur des recettes et des outils achetés en grande surface.

J'ai fait confiance aux bribes de cours retenus pendant que je dormais en cour de biologie. J'ai fait confiance à ma capacité de construire mes propres outils pendant mes TP de physique, j'ai fait confiance à ma capacité d'être scientifique et d'expérimentation en aller retour constant avec la théorie. J'ai fait confiance à tous ses auteurs venus me tendre la main à travers des millénaires qui me questionnent en permanence. Je me suis fait confiance à douter de moi même.

J'ai repris contrôle en étant moi même en doutant, et en découvrant que je n'avais rien de toxique en moi. Que l'acool à 2% ça étanche la soif... Oui, je suis devenu accroc à la levure de boulanger en solution.

Nous vivons dans une société anxiogène, où l'obéissance et le consensus prévalent. J'ai pas éliminé l'alcool, j'ai éliminé les causes de l'alcoolisme. 

Mon égo démesuré me fait vivre dans un univers ou je prévaut. Où je dois vivre avec ma faiblesse de ne pas supporter vivre du fait des conséquences de mes actions. Où je dois vivre avec le savoir des conséquences indirectes de mes actions. Je ne peux ignorer le conflit entre mon corps doué de sa propre volonté de survie et mon intellect qui me dit de survivre et obéir. La volonté de mon corps est limite autonome. Je suis obligé d'aligner mon corps et mon esprit. C'est ce qui fait ce que je suis. Mon être social et mon être physique sont en conflit. On appelle ça une névrose. Les réaligner ça s'appelle être soi. Si le vecteur plaît aux docteurs vous êtes guéris, sinon on vous colle sous camisole chimique.
 La nécessité est un mal, mais il n'existe aucune nécessité de vivre sous l'empire du mal.

Je vais quand même devoir retrouver un travail. Satisfaire mes obligations sociales et matrimoniales.

Ca va être dur, je vais très probablement encore échouer... Mais je préfère la souffrance, l'échec la douleur à la renonciation.

Je préfère échouer en essayant qu'abandonner sans avoir essayé. Et dans le pire des cas, je préfère devenir un plombier en Pologne.

Je ne suis pas encore défait. J'ai un genou à terre, mais pas les deux. Et je préfère vivre libre que mourir en esclave.  Regardez ma face émaciée, regardez mon corps meurtri, mais mes deux yeux eux dardent ma colère permanente, ma volonté branlante mais inextingible de me relever et me battre à nouveau.

Ne méprenez pas ma fragilité pour de la faiblesse, c'est elle qui a construit ma résolution. Elle est mon arme. C'est elle qui me rend fort.

Et je renaîs de mes cendres ... à nouveau. De la noirceur de ma propre détestation naît ma résolution à faire mieux. Ma détermination à remonter en selle. Je n'ai pas peur d'échouer, je n'ai pas peur des douleurs que je vais m'infliger je n'ai pas peur que l'on me fuit.  Je n'ai pas peur de la mort sociale. Je n'ai pas peur de m'aimer. Je n'ai pas peur de défier Zeus, les Parques et les Bienveillantes. 

La peur est la petite mort de l'esprit. Je refuse d'avoir peur. Je refuse de me censurer. Je refuse de me contrôler au profit de volition qui ne vont pas dans le sens des mon être.

Abandonner serait comme me regarder mort dans un corps vivant. Je refuse de mourir, je veux vivre pleinement avec ce don fait à nul autre: la vie avec une conscience.

Je mourrais à nouveau, je serais peut être à nouveau écarté de la meute et de la société, je vais peut être nouveau lever l'ancre et recommencer avec rien.

Mais la vie n'est pas une destination, c'est un voyage, et tel Ulysse non seulement je n'abandonnerais pas, mais en plus aussi stupides soient mes compagnons je tenterais de les sauver en alexandrin.

Il est temps que je quitte mon burnout comme Ulysse quitta Nausicaa non en la maudissant, mais en la bénissant... parce que je suis comme ça.



Donc, si jamais je vous cause, c'est que je fais à nouveau 1m82, que la balance indique 69kg le poids de l'amour, que mon vélo est prêt et qu'il fait beau. A moi la vie. En toute pour de nouvelles aventures! ... avec la rage qui coule de mes babines.


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